Sauramps

Remplissage en situation de catastrophe

Luc RONCHI

Le remplissage (administration d’un liquide afin de corriger une hypovolhémie absolue ou relative) est un acte fréquent dans un contexte de catastrophe, quelles que soient les circonstances.

Le remplissage vise à rétablir une circulation sanguine apte à maintenir la perfusion des organes essentiels à la survie (coeur, cerveau, foie, reins) et non à rétablir à tout prix une pression artérielle normale. Le concept d’hypotension permissive¹, avec des valeurs-seuil de pression artérielle moyenne (PAm) variables chez l’adulte en fonction de la présence ou non d’un traumatisme crânien (PAm 65 mm Hg, PAm > 80 mm Hg si GCS < 9), encadre cette notion.

Chez l’enfant, l’objectif est d’une PAm de 55 mm Hg au-delà de 2 ans (45 mm Hg en deçà de 2 ans), valeurs à majorer de 10 mm Hg si traumatisme crânien grave².

L’appréciation du volume d’un saignement intra-abdominal peut être aidée par les techniques de FASTecho lorsque celles-ci sont disponibles rapidement et interprétées par un opérateur entraîné.

Le choix du soluté de remplissage ne doit pas retarder la mise en oeuvre du remplissage.

Les solutés de remplissage se répartissent en plusieurs catégories : cristalloïdes, albumine et plasma, hydroxyéthylamidons, gélatines fluides modifiées, dextrans.

L’appoint d’un vasopresseur par voie intraveineuse ou intraosseuse continue peut s’avérer utile, notamment en contexte de « damage control ».

En dehors de circonstances particulières (diarrhées aiguës de l’enfant, afflux massif de brûlés), le remplissage nécessite une voie d’abord vasculaire fiable et adaptée au gabarit de la victime.

Les deux voies d’abord utilisables sont la voie intra-veineuse sur cathéter périphérique court et la voie intra-osseuse.

Les voies veineuses centrales sont à écarter. L’abord du sinus veineux longitudinal chez le nourrisson n’a plus d’indication.

La conduite du remplissage doit éviter le « sur-remplissage », dont le rôle délétère (cerveau, coagulation, majoration du saignement avant hémostase chirurgicale) est maintenant bien établi³.

Le choix du soluté se base sur les circonstances et les éléments de physiopathologie de régulation du milieu intérieur.

Le soluté glucosé avec ou sans adjonction d’électrolytes n’est pas utilisable dans ce contexte (risque d’oedème cérébral). Le sérum salé isotonique (0.9%), le sérum salé hypertonique (7.2%), la solution de Ringer-Lactate sont indiqués à la phase initiale de remplissage.

Les gélatines fluides modifiées sont utilisables en deuxième ligne de remplissage dans un contexte de pertes sanguines importantes après un apport initial de 1500 ml de cristalloïdes.

L’albumine n’a pas d’indication dans le contexte de prise en charge sur le terrain dans les premières heures.

Le plasma lyophilisé constitue un élément thérapeutique important (expérience du service de santé des armées) et pourra figurer dans les schémas thérapeutiques locaux en fonction des possibilités logistiques .

La transfusion sanguine sur le terrain est une technique exceptionnelle, avec des contraintes logistiques et de sécurité majeures.

Le brancardage doit s’effectuer en position horizontale afin de prévenir tout risque de désamorçage lors de la mise en position proclive.

  • Estimer autant que possible la perte volhémique de la victime (circonstances, lésions constatées, données de l’examen clinique) ;
    Prendre les mesures élémentaires aptes à minorer voire stopper le saignement (garrot tourniquet, pansement compressif, « coagulants » locaux) ;
    Attention à ne pas négliger une bradycardie paradoxale, de mauvais pronostic dans ce contexte ;
  • Assurer une voie veineuse périphérique de bon calibre, solidement fixée (la voie intraosseuse est indiquée en deuxième intention chez l’adulte, et peut l’être en première intention chez l’enfant) ;
  • Débuter le remplissage par un cristalloïde, et surveiller son efficacité sur des éléments cliniques simples (pouls, pression artérielle, état de conscience) ;
    Ne pas sur-remplir et savoir passer à un soluté macromoléculaire (gélatines fluides modifiées) si nécessaire (l’ANSM impose, depuis le 16 avril 2019, dans le cadre d’un programme d’accès contrôlé, une accréditation des médecins amenés à prescrire des solutions d’HEA)⁴ ;
  • Recourir à la noradrénaline (qui est le vasopresseur recommandé) lorsque le remplissage n’arrive pas à lui seul à restaurer une hémodynamique acceptable avant transport ;
  • Assurer une surveillance étroite de la victime, basée sur des critères simples (pouls, pression artérielle non-invasive, état de conscience, coloration cutanée).
1. Recommandations sur la réanimation du choc hémorragique Anesth Reanim 2015 1 : 62-74
2. Orliaguet G Choc hémorragique chez l’enfant 2016 Med Intensive Rea 2016 25 : 619-27
3. Paquin S Remplissage vasculaire en situation de catastrophe In H. Julien éditeur Manuel de médecine de catastrophe pp : 681-9 Lavoisier médecine-sciences Paris 2017
4. ANSM Solutions pour perfusion à base d’hydroxyéthylamidon (HEA) : programme d’accès contrôlé dès le 16 avril 2019 Consultable sur : https://ansm.sante.fr/var/ansm_site/storage/original/application/9c8f524980c409036caed2820eaad3f5.pdf »