Sauramps

Médecins et médias en situation de catastrophe

Henri JULIEN

Lors de toute catastrophe, la communication est un sujet sensible. La prise de parole doit être autorisée par les autorités. Les informations données doivent être exactes, précises et concises. Les messages doivent être préparés. Lorsque la communication émane d’un membre de l’équipe soignante, une réaction humaine et empathique est attendue.

Le médecin a une autorité particulière, les journalistes comme la population lui accordent plus volontiers leur confiance. Son discours reste cependant soumis à leur critique. Les réseaux sociaux participent de manière incontrôlée aux informations d’origine plus officielle.

Les règles élémentaires¹ :

  • Pas de prise de parole intempestive, la communication est de la responsabilité des autorités. Avoir leur aval préalable ;
  • Répondre à des questions ne s’improvise pas. Préparer l’interview, notez quelques idées fortes sur un bristol ;
  • Prévoir les questions les plus fréquentes des journalistes : Quel est le nombre de victimes ? Que s’est-il passé ? Que faites-vous ? Y a-t-il des risques ? Quand la situation sera-t-elle maîtrisée ? Qui est responsable ?
  • Règle à ne pas transgresser : ne jamais mentir, ne jamais inventer. Dire je ne sais pas, ou je ne peux pas vous en dire plus pour le moment ;
  • Rester dans son domaine de compétence. Ne pas dériver sur l’origine de l’évènement, la manière dont la crise a été traitée, les responsabilités éventuelles…
  • Ne pas lire un document. Garder un ton spontané, direct ;
  • Répondre à la question et se limiter à la question posée ;
  • Tenir compte de l’émotion soulevée par l’évènement ;
  • Si possible ordonner son discours. S’appuyer sur des exemples concrets, vécus.


Règles spécifiques au médecin, au personnel de santé :

Respect de l’éthique médicale : respect du secret professionnel. Respect de la déontologie médicale : confraternité avec les autres équipes médicales, paramédicales.
Éviter les bilans « définitifs » toujours susceptibles d’évoluer dans le temps.

Le droit à l’image :

Avant toute diffusion publique ou privée d’une photographie, d’un enregistrement vidéo par voie de média ou autre, le diffuseur doit obtenir l’autorisation de la personne concernée qui possède le droit, assimilé à la notion de vie privée, de s’opposer à l’utilisation de son image².
La captation illicite de l’image d’autrui (photo ou vidéo), l’utilisation non consentie de leur image est passible de sanctions pénales.
La plus grande prudence sera de mise et sera réservée après floutage pour masquer l’identité.

Les réseaux sociaux :

Les réseaux sociaux, twitter, facebook, linkedin…conjugués à la facilité de capter des sons et des images offrent de formidables moyens de communication quasi instantanée sur l’ensemble de la planète. Leur mésusage peut entraîner : désinformation, propagation de fausses nouvelles, entretien d’une méfiance envers les autorités qui génère un sentiment angoissant d’insécurité.

Avoir l’autorisation de communiquer :

La communication opérationnelle relève du commandement et des responsables (DO, COS, COPJ…), un responsable communication est généralement prévu et désigné.

Adapter le mode d’expression³ :


Le style d’expression doit être simple et direct. Le débit non accéléré.
Ne pas employer de jargon professionnel, médical. Ne pas employer d’acronymes ou de sigles.
Si pas de réponse à une question, ne pas se laisser emporter, dire « je ne sais pas », « il est trop tôt pour », « l’enquête est en cours ».
Eviter de polémiquer ou d’entrer dans une polémique. Rester dans un rôle d’expert.
Contrôler l’infra-langage : éviter d’être figé, de montrer une grande agitation. Garder un mode d’expression naturel, ne pas forcer sa voix.

Cas particuliers :

  • Journalistes écrits : les interviews sont enregistrées.
    • Répondre aux questions posées avec précision sans digressions. Si possible voir le texte avant publication.
  • Radios : la durée d’émission est généralement inférieure à une minute. Deux cas :
    • Interview enregistrée : il est possible de se reprendre. Attention aux confidences off record, qui intéressent beaucoup.
    • Interview en direct : faire des phrases courtes, employer des mots simples.
    Après l’interview, il est toujours possible d’insister sur les points jugés essentiels auprès du journaliste écrit ou de celui qui va monter l’émission.
  • Télévisions :
    L’étalon temps est inférieur à celui de la radio.
    Interview sur le terrain : demander à une tierce personne de vérifier sa tenue, son allure (cravate, col de chemise etc.), en studio, s’attendre à être maquillé.
    Regarder l’interviewer, ne pas regarder la caméra.
    Toujours employer des mots simples, des phrases courtes.
    • Si émission en direct :
    – le temps généralement imparti est très court, aller à l’essentiel ;
    – bien écouter et comprendre la question posée, la faire répéter au besoin ;
    – éviter les gestes interprétables négativement : tendre le doigt, par exemple ;
    – attendre la complète fin de l’émission pour se lever.
    • Si émission enregistrée :
    – il y a possibilité de se reprendre ;
    – lors du montage il n’y aura que quelques séquences qui seront gardées.
1. JC. Deslandes, H. Julien. Médias et catastrophes. Manuel de médecine de catastrophe. Lavoisier ; Paris 2017 ; 259-274
2. Article 9 du Code Civil. https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006419288&cid Texte=LEGITEXT000006070721&dateTexte=19940730 ; https://fiches-droit.com/article-9-du-code-civil
3. N. Amraoui. Communication de crise. Lettre de la Lirec. 2014 ;43 :10-18