Sauramps

Feux d’habitation

Bertrand PRUNET, Kilian BERTHO

Les feux d’habitation présentent un double danger lié au risque incendie mais surtout à la présence potentielle de nombreuses victimes.
En France, ils tuent chaque année environ 800 personnes. Ils touchent le plus souvent des personnes vulnérables : endormies (2/3 des décès ont lieu la nuit, d’où l’importance des détecteurs de fumée), en bas âge ou d’âge avancé, de faible niveau socio-économique¹.

La mortalité est principalement due aux fumées d’incendie², plus rarement à des traumatismes par chute de grande hauteur ou des brûlures. Aux blessures physiques s’ajoutent des blessures psychologiques y compris chez des impliqués en nombre qui se retrouvent brutalement à la rue.
Les facteurs défavorables sont : survenue en nuit profonde (0 h-6 h), immeuble de 6 étages ou plus, hôtel, établissement de santé, immeuble ancien, population défavorisée, feux survenant dans des étages inférieurs à ceux occupés, notion de défenestrés lors de l’appel initial, difficulté d’accès pour les pompiers.

Les feux d’habitations représentent un risque avéré du fait de leur potentiel calorifique important (densité du mobilier), de la présence potentielle de gaz de ville, et des risques de propagation par les communications existantes³.

Les immeubles de grande hauteur (IGH) disposent d’une réglementation stricte. Ils doivent disposer d’un service de protection incendie avec un poste central de sécurité (qui deviendra le poste de commandement principal du COS).
Leur structure est faite de compartiments de 2 étages coupe-feu pour 2 heures
comprenant 2 escaliers et 2 ascenseurs en surpression pour éviter la propagation des fumées. Un poste de commandement avancé pourra être disposé 2 étages au-dessous du feu et un triage par une équipe médicale pourra y être effectué si nécessaire.

Les immeubles entre 28 et 50 m représentent les habitations à risque le plus élevé car ils regroupent un grand nombre de victimes potentielles, et les étages au-dessus de 28 m sont peu ou pas accessibles par les échelles des sapeurs-pompiers. Ils ne disposent pas de compartiments ni de portes coupe-feu. Leur entretien est parfois aléatoire et les dispositifs de lutte contre les incendies peuvent être défaillants.

Les services d’incendie vont affronter le sinistre selon une méthodologie priorisant les actions à mener. Il convient d’intégrer l’action des secours médicaux à cette manoeuvre en commençant par être attentif au lieu de stationnement des véhicules afin de ne pas gêner les manoeuvres futures d’extinction et de sauvetage.
Le nombre final de victimes de feux d’habitation (et donc les renforts nécessaires) peut être estimé en multipliant par 2,5 le nombre initial de victimes, évalués lors du bilan du premier moyen médicalisé sur les lieux⁴.
Il convient d’orienter les victimes le plus rapidement possible vers le PMA dont le déploiement doit être très précoce. Les familles et les impliqués devront être regroupés et pris en charge dans un lieu spécifique séparé.

Particularités des feux d’hôpitaux ou maisons de retraite :

La victimologie des feux d’hôpitaux ou de maison de retraite comprend principalement des personnes vulnérables ou à mobilité réduite. Ils sont définis par l’origine du feu (chambre ou local technique), la typologie des bâtiments (pavillonnaire ou immeuble) et le type de patients hospitalisés (pédiatrie, adultes invalides, service de réanimation).

L’un des points clef repose sur les fluides (eau, électricité, gaz médicaux) qu’il convient de conserver au maximum.
L’autre point d’attention est l’activité de la structure : quelles activités de soins sont en cours (bloc opératoire) ? lesquelles peuvent être interrompues ? lesquelles doivent être préservées (réanimation, SAU) ? Un délestage est-il possible ?

En fonction de l’évolutivité du sinistre, il faut anticiper les transferts de patients : transfert horizontal (sur le même niveau, rapide et économe en main d’oeuvre mais éloignement limité par rapport au sinistre) ou vertical (changement d’étage ou de bâtiment, main d’oeuvre requise importante, plus lent mais soustraction meilleure au risque).

  • Évoluer en sécurité. Ne pas prendre de risque inutile. Ne pas gêner la lutte contre le feu.
  • Prendre contact avec le COS. Rechercher les informations sur le sinistre, les actions en cours, les
    difficultés éventuelles et le risque évolutif ;
  •  Établir une manoeuvre santé coordonnée avec le COS ;
  •  Évaluer la victimologie (type et nombre, facteur multiplicatif) ;
  •  Faire établir un PMA (en sécurité, à proximité, accessible et ergonomique) ;
  •  Passer un message d’ambiance pour adapter les renforts éventuels :
    • Contexte : nature du feu, difficultés, avancées des opérations,
    • Victimologie,
    • PMA emplacement et accès,
    • Demande de renfort.
  • Débuter le triage des victimes ;
  • Faire réaliser les soins ;
  • Anticiper les évacuations après régulation médicale ;
  • Prévoir un centre d’accueil des impliqués (CAI).
1. Turner SL and al. Risk factors associated with unintentional house fire incidents, injuries and deaths in high-income countries: a systematic review. Inj Prev. 2017 Apr;23(2):131-137.
2. Baud FJ and al. Elevated blood cyanide concentrations in victims of smoke inhalation. N Engl J Med. 1991 Dec 19;325(25):1761- 6.
3. Bon O. Feux d’habitations. Manuel de médecine de catastrophe. Lavoisier Médecine. Paris 2017; 399-415
4. Maurin O and al. Usefulness of a multiplying factor in predicting the final number of victims during a mass casualty incident. Eur J Emerg Med. 2017 Oct;24(5):377-381.