Sauramps

Damage control

Luc RONCHI

Le « damage control » (maîtrise des dégâts) est une tactique¹ élaborée à partir de l’expérience militaire.

Elle vise à assurer, en conditions de catastrophe (déséquilibre entre moyens santé et besoins des victimes, contexte d’attentat notamment tueries de masse et explosion), la meilleure adéquation possible entre la thérapeutique entreprise à l’échelle de chaque victime et l’intérêt collectif de la population prise en charge.

Chaque étape de la prise en charge de chaque victime doit concilier à la fois l’impératif de traitement (survie dans la phase initiale) et l’économie de temps pour pouvoir traiter un maximum de victimes.

Initialement appliquée à la chirurgie de guerre (traitement initial des lésions vitales avec reprise(s) secondaire(s) jusqu’à la stabilisation), cette stratégie a été étendue à la réanimation intrahospitalière, puis à la médecine préhospitalière.

On pourrait la résumer en un « juste (ni trop, ni trop peu) soin au bon moment », ou bien « le mieux pourrait s’avérer l’ennemi du bien ». 

La mortalité initiale des victimes est due à une triade constituée par la détresse respiratoire, l’hémorragie non contrôlée, et secondairement l’acidose métabolique.

L’hypothermie est un facteur aggravant qui s’installe rapidement si elle ne bénéficie pas de mesures prophylactiques.

Le traitement initial consistera donc à traiter une détresse respiratoire (exsufflation d’un pneumothorax compressif, intubation ou coniotomie en cas de plaie majeure ou de délabrement faciaux) et à assurer le contrôle d’une hémorragie extériorisée abondante (garrot tourniquet sur une lésion hémorragique de membre, pansements hémostatiques ou compressifs, clamps de plaie).

Le concept d’hypotension permissive est parfaitement adapté à ce type de situation. Il vise à restaurer une perfusion tissulaire correcte au niveau des organes vitaux (coeur, cerveau, foie, rein) en corrigeant l’hypovolémie tout en évitant un remplissage vasculaire excessif, à l’origine de la pérennisation ou de la reprise du saignement.

La pression artérielle moyenne (PAm) constitue le paramètre de gestion du remplissage vasculaire. L’objectif chez l’adulte est d’obtenir une PAm de 65 mm Hg, et de 80 mm Hg si lésion cérébrale avec GCS < 9. Chez l’enfant, l’objectif est d’une PAm de 55 mm Hg au-delà de 2 ans (45 mm Hg en deçà de 2 ans), valeurs à majorer de 10 mm Hg si traumatisme crânien grave associé².

Le remplissage est conduit initialement avec un soluté isotonique (jamais de soluté glucosé), relayé éventuellement au-delà de 1500 ml par des macromolécules de type gélatines fluides modifiées (les hydroxyéthylamidons n’ont plus l’AMM depuis 2023).

L’utilisation de soluté salé hypertonique (7.5%) permet de réduire le volume des apports liquidiens³.
Un support hémodynamique par noradrénaline²,⁴ peut être un appoint utile pour maintenir une pression artérielle correcte, en évitant de sur-corriger.

L’acide tranexamique a fait la preuve de son intérêt dans la prévention des troubles secondaires de l’hémostase. Il doit être injecté précocement (moins de trois heures après la survenue du traumatisme) à la dose de 1 gramme (10 mg.kg-1 chez l’enfant en 30 minutes) par voie intra-veineuse.

La transfusion sanguine sur le terrain comporte des implications logistiques importantes et doit être discutée en termes de rapport bénéfice vs. contraintes, et ne doit pas retarder inutilement l’évacuation vers la formation hospitalière d’accueil.

Il existe des procédures de référence (Safe Marche Ryan, algorithme START [Jump-START pour les enfants], Tactical Combat Casualty Care) qui structurent la démarche d’évaluation et d’action dans ces circonstances.

 

  • Ne pas m’exposer ou exposer mon équipe à un risque non maîtrisé (fusillade, prise d’otages, etc.) ;
  • Appliquer pour chaque victime une prise en charge adaptée à son bilan lésionnel et sa situation présente (réalisation des gestes salvateurs puis des actions de contrôle hémodynamique en n’omettant pas la prévention de l’hypothermie (couverture isolante) et l’injection d’acide tranexamique) ;
  • Rendre compte au fil des prises en charge au directeur des secours médicaux pour préparer l’évacuation vers une formation hospitalière adaptée (au minimum réalisation de l’hémostase chirurgicale et des soins de réanimation) ;
  • Ne pas négliger la prise en charge de la douleur ni la gestion de l’identité des victimes prises en charge ;
  • M’exercer régulièrement avec mes équipes.


1. Tourtier JP, Carli P Damage control en médecine d’urgence préhospitalière In H. Julien éditeur Manuel de médecine de catastrophe pp : 673-80 Lavoisier médecine-sciences Paris 2017
2. ADARPEF Damage control pédiatrique - consultable sur : http://e-adarpef.fr/wp-content/uploads/2017/09/Damage-control-pediatrique.pdf
3. Giral G. Grosset A. Podeur P. Bélot de Saint-Leger Successful deployement of the french damage control resuscitation and surgical team in 2021: lessons learned from its first massive casualty event Mil.Med. 2022 187 40-41.
4. SFAR Recommandations sur la réanimation du choc hémorragique Anesth Reanim 2015 1 : 62-74 »