Sauramps

Blast

Jean-Pierre CARPENTIER

Le terme de blast ou blast injury regroupe l’ensemble des phénomènes physiopathologiques et des lésions organiques secondaires à la propagation d’une onde de choc produite par une explosion.

La libération brutale et soudaine d’énergie au cours d’une explosion :

  • Génère une augmentation de la pression atmosphérique qui se transmet au milieu ambiant et se propage dans toutes les directions sous forme d’une onde de choc ou onde de Friedlander (Fig. 1). Celle-ci se caractérise par : le niveau de pression de crête, la variation maximale de pression (DP), le temps d’ascension de la pression (Dt), la durée de la phase de pression positive (t0) et la vitesse d’ascension de la pression ;
  • Provoque le déplacement d’une grande masse d’air qui suit l’onde de choc. Ce vent du blast ou blast wind qui peut atteindre 480 km/h peut : mobiliser des éclats, débris et objets ; projeter les individus sur des parois ou favoriser des chutes ; entraîner des désintégrations, voire des amputations traumatiques ;
  • S’accompagne d’une libération importante de chaleur, en fonction de la nature de l’explosif et de la présence éventuelle de produits inflammables.

L’onde de choc se propage dans l’air à la vitesse du son (330 m/s) et s’amortit rapidement selon le cube de la distance. Dans l’eau (plus dense et moins compressible), elle se propage à 1 500 m/s et s’amortit plus lentement (rayon létal trois fois plus étendu). Dans un solide (dense et incompressible), elle est transmise aux zones en contact direct avec une vitesse de 5 000 m/s.

Les conséquences d’une explosion sur l’organisme sont multiples.

 

La gravité des lésions est proportionnelle au gradient de pression (DP) à partir de 35 kPa pour les tympans, 175 pour le poumon et à la durée de la surpression (t0) qui dépendent de la charge de l’explosif.

En milieu aérien, la distance par rapport à l’explosion est déterminante. Dans un espace clos, les lésions sont majorées (proximité de l’explosion et réflexion de l’onde sur les parois). Les boucliers et les gilets de protection balistique ne protègent pas le poumon, mais les casques anti-bruit protègent les tympans.

L’onde provoque une compression suivie d’une décompression brutale des volumes gazeux (alvéoles pulmonaires, oreille moyenne) provoquant douleurs et ruptures.

Le vent du blast (accélération brutale) génère des forces de compressions et d’arrachements. Les lésions de contusion pulmonaire rencontrées au cours des traumatismes du thorax à glotte fermée avec décélération brutale sont proches de celles du blast.

Un blast doit être évoqué sur : la notion d’une explosion, surtout dans un lieu confiné ou clos, la nature des dommages aux structures environnantes, une mortalité élevée sur place, la présence de victimes en nombre, polytraumatisées, polycriblées au niveau du visage et des avant-bras, et de brûlés.

1. Sur les lieux : diagnostic, triage, orientation (Fig. 1) :

Le blast est rarement isolé. La victime peut non seulement être un polytraumatisé (lésions secondaires et tertiaires), mais aussi un polyagressé (lésions quaternaires). Sur les lieux de l’explosion, l’objectif est :

  • de ne pas laisser partir des victimes apparemment indemnes qui risquent de décompenser secondairement un blast pulmonaire ;
  • de ne pas prendre un blasté sourd pour un traumatisé psychique ;
  • de ne pas orienter vers un service d’orthopédie-traumatologie un polyfracturé qui peut développer une détresse respiratoire.

Si le tympan est l’organe le plus sensible, la recherche d’une rupture tympanique ne permet pas de faire
un triage fiable. Un tympan normal n’exclut pas des lésions de l’oreille interne.

Figure 1: Triage des victimes de blast.

2. A l’hôpital, deux situations peuvent être individualisées en fonction

de la gravité :

  • C’est un polytraumatisé (Urgence absolue)

Dans ces circonstances, faire la part du blast dans le bilan lésionnel est quasiment impossible et inutile.
La présomption du blast prévaut sur la certitude. La gravité de l’état de la victime potentiellement blastée impose de toute façon de suivre la démarche diagnostique habituelle de prise en charge de tout polytraumatisé. Le facteur temps est prépondérant.

Dans ce cadre, une détresse respiratoire est multifactorielle. Le blast n’est qu’un élément au même titre qu’une pneumopathie d’inhalation, qu’un volet costal, et plus tardivement qu’une surcharge volémique, qu’une embolie graisseuse, qu’un SDRA. Comme dans tout traumatisme thoracique, la tomodensitométrie doit permettre de dépister des lésions difficiles à visualiser sur la radiographie simple du thorax et à l’échographie, comme un pneumothorax partiel.

L’interprétation de signes neurologiques centraux est difficile tant qu’une tomodensitométrie encéphalique n’a pas été réalisée. L’embolie gazeuse est recherchée de principe si des troubles de conscience et/ou des signes en foyers existent. L’examen ophtalmologique à la recherche de bulles d’air dans les vaisseaux rétiniens et de zones rétiniennes pâles qui peuvent persister plusieurs jours est indispensable.

L’approche diagnostique d’un blast abdominal est identique à celle d’un traumatisme fermé conventionnel de l’abdomen. En présence d’un  ventre chirurgical, d’un pneumopéritoine, c’est la laparotomie qui fera le diagnostic des lésions intestinales spécifiques.

  • C’est un traumatisé peu grave (Urgence relative ou potentielle)

C’est le cas le plus fréquent. Il est, en apparence, indemne de lésions du tronc, mais peut présenter des lésions superficielles sur les parties découvertes du corps (plaies, érosions tégumentaires, inclusions de corps étrangers, brûlures). La démarche diagnostique doit rester systématique pour répondre à quatre questions (Fig. 2).

Figure 2 : Conduite diagnostique à l’hôpital.

  • Spécificités de la prise en charge thérapeutique d’un blast

L’approche thérapeutique d’un blessé par explosion ne se différencie pas de celle de toute victime d’un traumatisme. La suspicion d’un blast ne doit pas retarder le traitement des lésions associées, mais doit attirer l’attention sur ses manifestations thoraciques et abdominales potentiellement mortelles. Il faut cependant garder à l’esprit que si la majorité des lésions de blast ne relèvent pas d’un traitement spécifique, certaines thérapeutiques peuvent avoir un effet délétère sur les lésions pulmonaires du blast.