Sauramps

Aspects médico-judiciaires

Benoit VIVIEN

L’identification des victimes d’un ACEL ou d’une catastrophe majeure est importante sur le plan médico-légal et judiciaire, en particulier lorsque des faits sont liés à des actes intentionnels et/ou d’origine terroriste.
L’origine criminelle ou accidentelle est une question essentielle pour les autorités, et également les assurances, les familles, et plus généralement la société et l’histoire…
Dans la plupart des pays, la gestion des corps, leur identification et la réparation du dommage corporel des victimes et ayants droits relèvent des autorités de police et justice, avec l’appui de la médecine légale.

La difficulté médico-judiciaire initiale est de déterminer si les moyens habituels sont suffisants ou si selon le nombre potentiel de victimes il faut mettre en oeuvre des procédures spécifiques : moyens nationaux, voire organisation rassemblant des renforts nationaux ou internationaux.

INTERPOL, organisation internationale de la police criminelle, représente l’organisme de référence en matière d’identification des victimes lors d’une catastrophe¹.

En France, l’unité de référence est représentée par l’Institut de Recherche Criminelle de la Gendarmerie Nationale (IRCGN) qui peut intervenir 24h/24 y compris en milieu NRBC, sur tout le territoire national et à l’étranger si des ressortissants français sont impliqués.

Seuls les instituts universitaires de médecine légale sont habilités à réaliser des autopsies en France, et viennent en appui des autorités de police et gendarmerie.
Seuls l’examen médico-légal et l’autopsie peuvent préciser la nature, la cause et l’heure du décès.

La question dorénavant posée aux médecins légistes en recherche de responsabilité est de déterminer si certaines victimes auraient pu survivre en cas d’intervention plus rapide des secours (Mont St Odile, Bataclan…).

Les techniciens de l’identité judiciaire et les médecins légistes doivent intervenir sur le site même de la catastrophe.

Les opérations de relevage des corps ne commencent pas tant que tous les survivants ne sont pas secourus.

Les corps ne gardent que rarement leur intégrité lors des catastrophes majeures (accident de transport ferroviaire, aérien…).

Dans les accidents de transport, une autopsie complète doit être réalisée sur le corps du conducteur/pilote et de l’équipage, avec une analyse toxicologique.

La gestion et l’identification de masse des victimes répondent à une méthodologie stricte² :

  • relevage des corps, fragments, objets et débris associés ;
  • recueil d’informations auprès des familles de victimes, médecins et dentistes traitants ;
  • comparaison de toutes les données obtenues en ante-mortem et post-mortem.


Les 3 techniques les plus fiables d’identification scientifique des victimes sont la dactyloscopie, l’analyse odontologique, et l’analyse génétique de l’ADN. Les autres méthodes sont la description morphologique et la comparaison avec des photographies (signes particuliers, tatouages, cicatrices, prothèses…), et la reconnaissance d’indices matériels (bijoux incrustés, effets personnels…).

L’incertitude sur le devenir d’un parent disparu dans une catastrophe est pour ses proches une charge émotionnelle extrême, d’où la nécessité d’une identification rapide de l’ensemble des victimes.

  • Veiller à ce que les corps, les fragments de corps, les indices matériels d’enquête restent intacts sur le site de la catastrophe. Les secours et soins permettant de sauver des vies humaines restent toujours les opérations prioritaires³.
  • Coordonner l’action entre DSM, COS et éventuellement COPG.
  • Il faut marquer l’emplacement d’un corps s’il doit être déplacé durant les opérations de secours.
  • Confirmer médicalement les décès, à l’avant ou après passage au PMA.
  • Regrouper l’ensemble des effets d’une victime, si le déshabillage est nécessaire. Les identifier clairement et les solidariser avec la victime (ne pas les séparer des corps), car ils sont parfois les seuls éléments d’identification.
  • Définir le site de la morgue provisoire lorsque les autorités judiciaires autorisent le regroupement des corps, en concertation avec le COS, le DSM et le responsable du ramassage.
  • Renseigner une fiche de tri, document essentiel qui certifie la présence des victimes sur le site et constitue une 1ère évaluation des lésions, qui confrontée au certificat médical initial permettra d’ouvrir les droits à une réparation ou pour tout autre dossier.
  • Etablir la liste des victimes au niveau du PMA est fondamental, d’une part pour les autorités afin de communiquer des bilans chiffrés sur le nombre et la gravité de victimes, et d’autre part pour chaque patient car elle représente une preuve de sa prise en charge sur le site de la catastrophe.
  • Respecter la dignité des corps et le secret médical et professionnel qui s’imposent légalement à tous  les intervenants lors des opérations de relevage et d’identification des victimes, qu’elles soient vivantes ou décédées.
  • S’abstenir de communiquer à qui que ce soit non investi du pouvoir judiciaire, des informations sur la nature criminelle ou accidentelle de l’événement causal.
1. OIPC-Interpol.Disaster Victim Identification (DVI) Guide 2009. Disponible sur : www.interpol.int (page forensic, DVI).
2. Gestion des dépouilles mortelles lors de catastrophes. Manuel pratique à l’usage des premiers intervenants. Morgan O, Tidball-Binz M, Van Alphen D (eds.). Washington, DC, 2006. Disponible sur www.icrc.org/fr/doc/assets/files/other/icrc_001_0880.pdf
3. Levy Francis, Ludes Bertrand – Aspects médicolégaux lors des catastrophes. In Manuel de médecine de catastrophe. Lavoisier Edit. Paris 2017 ; 241-253