Sauramps

Antidotes des risques radiologiques et chimiques

Claude RENAUDEAU

L’antidote est un médicament qui atténue ou supprime les effets délétères d’un toxique, améliorant ainsi le pronostic vital ou fonctionnel de l’intoxiqué¹.

Concernant les toxiques de guerre, des antidotes sont disponibles uniquement pour le traitement des intoxications par les neurotoxiques organo-phosphorés (NOP), les agents cyanés et cyanogènes, ou la Lewisite, un agent vésicant.

Dans le domaine nucléaire et radiologique, ils visent à diminuer la contamination interne radiologique afin de limiter le risque de cancer radio-induit. Si le traitement antidotique doit être le plus précoce possible, il reste cependant toujours second après le traitement de l’urgence médico-chirurgicale² dans ce domaine.

Les antidotes sont complémentaires du traitement symptomatique : niveau de conscience, ventilatoire et circulatoire. Le désencombrement des voies respiratoires, l’oxygénothérapie, et la surveillance des constantes vitales sont une priorité.

L’afflux d’intoxiqués peut nécessiter de grandes quantités d’antidotes et d’O2 qu’il faut anticiper.

Les produits disponibles sont :

  • le Radiogardase® (ferrocyanure ferrique) qui facilite l’élimination digestive du Césium et du Thallium en bloquant leur cycle entérohépatique ;
  • le diétylène-triamine-penta-acétate de calcium [Ca-DTPA] qui est un agent chélateur formant des complexes avec les cations radioactifs comme l’Américium, le Curium, le Plutonium, le Thorium, le Cobalt et le Fer afin de permettre leur élimination urinaire.

Des chélateurs antidotes de la Lewisite agissent sur les métaux lourds comme le plomb ou le mercure.

Sur le terrain, au niveau du Point de regroupement des victimes (PRV) ou à l’hôpital au point d’accueil des victimes non encore décontaminées, il faut intervenir protégé par un équipement de protection individuelle (EPI) : tenue étanche aux toxiques, masque de taille adaptée au visage équipé d’une cartouche filtrante à large spectre, gants en butyle et sur-chaussures.

Vis-à-vis du risque chimique :

En cas d’intoxication par les NOP :
La prise en charge d’un intoxiqué par les NOP repose sur : l’assistance cardio-respiratoire ; l’injection de sulfate d’atropine ; l’injection d’une oxime ; l’administration d’une benzodiazépine comme anticonvulsivant³ ⁴.


En cas d’intoxication par des ions cyanures
(acide cyanhydrique, sels de cyanure, produits cyanogènes) :

  • Patient asymptomatique : O2 au débit de 6 L/min ; forme mineure d’intoxication : O2 au débit de 10 L/min ;
  • Forme modérée : O2 au débit de 12 à 15 L/min + hydroxocobalamine (Cyanokit®) en IV rapide 5 grammes en 15 min. Chez l’enfant : 70 mg/kg sans dépasser 5g¹.
  • Forme sévère : Doubler l’injection rapide initiale, par 5 grammes supplémentaires en IV lente (de 15 min à 2 heures). Chez l’enfant : doubler également l’injection sans toutefois dépasser au total 140 mg/kg.

Si l’intoxication au cyanure ou aux dérivés cyanés est spécifique et confirmée, l’EDTA dicobaltique (Kélocyanor ®) peut être utilisé à raison de 2 ampoules de 20 ml à 1,5 g pour 100 ml, soit 600 mg en IV en 30 secondes. Cette injection doit être impérativement suivie d’une injection de 50 ml de glucose à 30% en raison des effets hypoglycémiants du Kélocyanor®.

Chez l’enfant, il n’existe pas de données pédiatriques concernant ce traitement par le Kélocyanor®.

Si la tension artérielle n’augmente pas, injecter alors une 3e ampoule de Kélocyanor® de 300 mg suivie également de 50 ml de glucose à 30%.

Ces deux traitements sont utilisables en cas de grossesse.

En cas d’intoxication par la Lewisite (2- chlorovinyl-dichlorarsine) :

Celle-ci peut se manifester par l’apparition de crachats mousseux, d’une brûlure cutanée de la taille d’une paume de main ou si la zone contaminée s’étend sur 5% de la surface corporelle : IM profonde de Dimercaprol (B.A.L.® : British Anti-Lewisite) (boîte de 12 ampoules de 2 ml contenant 200 mg de Dimercaprol et 1 mg de Butacaïne en solution huileuse) à la dose de 2 à 3 mg de Dimercaprol/kg sans dépasser 200 g par injection ⁴ ⁵.

Pratiquer une injection le plus tôt possible ; suivie d’une injection toutes les 4 heures pendant 2 jours ; puis toutes les 6 heures le 3e jour et toutes les 12 heures pendant les 10 jours suivants.

Autre possibilité : Utiliser des chélateurs hydrosolubles des métaux lourds (plomb, mercure, nickel, arsenic, cadmium) de façon à provoquer une élimination du toxique par les urines.

Le DMSA (Acide méso-2,3-dimercaptosuccinique ou Succimer) commercialisé sous forme de gélules à 200 mg est le Succicaptal®.

La posologie est de : 10 mg/kg toutes les 8 heures sans dépasser 1,8 g par jour, pendant 5 jours ; puis 10 mg/kg toutes les 12 heures pendant 14 jours.

Vis-à-vis du risque radiologique :

L’iodure de potassium sous forme de comprimés sécables à 65 mg.

Pris sur ordre des autorités compétentes. Le comprimé est dissout dans une boisson⁴ ⁵.

Le Bleu de Prusse Radiogardase® gélule de 500 mg.

Traitement utilisable en cas de grossesse.
Le Ca-DTPA solution injectable à 250 mg/ml ampoule de 4 ml.

Le Ca-DTPA peut être utilisé localement pour la décontamination des plaies externes ou de la peau en versant le contenu de plusieurs ampoules.

Le DMSA (Succimer) Succicaptal®
10 mg/kg toutes les 8 heures sans dépasser 1,8 g par jour, pendant 5 jours ; puis 10 mg/kg toutes les 12 heures pendant 14 jours.

1. Viala A. Définitions - Domaine de la Toxicologie – Notions sur la toxicité. In : Viala A, Botta A. Toxicologie. Editions Lavoisier : Cahors, 2005 (2e édition) : 3-17.
2. Cavallo J.D., Fuilla C., Dorandeu F., Laroche P., Vidal D. Les risques NRBC-E savoir pour agir. Editions Xavier Montauban : Montrouge, 2010 (2e édition) : 333 p.
3. Fiches Piratox/Piratome de prise en charge thérapeutique. Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. Disponible sur : http://ansm.sante.fr/Dossiers/Biotox-Piratox-Piratome/Fiches-Piratox-Piratome-de-prise-en-charge-therapeutique.
4. Danel V., Chevallier-Brilloit C. Les antidotes. In : Julien H. Manuel de médecine de catastrophe. Editions Lavoisier : Lavis, 2017 : 802-12.
5. Renard C., Fortin J.L., BAUD F. Terrorisme chimique et cyanures. In : Revel T et al. Menace terroriste approche médicale. Editions John Libbey Eurotext : Montrouge, 2005 : 353-9. »