Sauramps

Situations de catastrophe et impact psychique

Humbert BOISSEAUX

La brutalité de survenue et les effets dévastateurs des catastrophes ont des conséquences psychiques difficilement évaluables dans l’instant. Ils imposent cependant la mobilisation rapide de capacités de réaction efficientes.

Les personnes directement touchées, présentes sur les lieux, les proches mais aussi les intervenants qui vont apporter leurs secours, tous sont impactés psychologiquement à un degré ou à un autre par l’événement.

Les capacités adaptatives de chacun sont mises à l’épreuve avec des résultats inégaux. C’est particulièrement sensible lors de l’atteinte ou de la perte de proches ou d’enfants.

Tout individu ne dispose alors pas nécessairement des ressources lui permettant une sortie de crise sans aide. Mais au-delà de besoins immédiats, c’est le devenir à plus long terme de ces personnes qui est en jeu. Une prise en charge précoce contribue assurément à en améliorer le pronostic.

L’efficience des dispositifs de secours permet d’inscrire les victimes dans la voie de soins qu’impose la singularité de leur état. Le dispositif des cellules d’urgence médico-psychologique (CUMP), articulé aux SAMU départementaux, doit permettre d’en organiser le devenir¹ ² ³.

L’importance d’un espace de sécurité :

L’impact humain immédiat d’une catastrophe est lié à son effet de surprise ainsi qu’au chaos qu’elle crée.
Des interactions humaines perturbées, des processus de pensée désorganisés ainsi que des comportements inadéquats à la situation présente imposent d’intervenir.

Si l’action des forces de sécurité et la mise en place de dispositifs soignants contribuent à créer un effet de sécurisation, le travail psychique nécessaire ne peut se soutenir que d’une présence humaine rassurante et d’interlocuteurs capables de réintroduire une relation de parole structurante.

Le danger de comportements dysfonctionnels :

Chaque catastrophe crée une situation inédite qui bouleverse le fonctionnement bio-psychologique habituel de toute personne. Chacun réagit selon des modalités qui lui sont propres en fonction de processus psychiques qui ne sont jamais ni univoques ni véritablement prévisibles.

Si pour affronter cette situation, nombre de personnes parviennent à mobiliser naturellement des capacités adaptatives opérantes, ce n’est pas le cas de toutes.
Le spectre des comportements rencontrés est là extrêmement large, de l’agitation désordonnée, difficile à maîtriser et perturbatrice, à des états de sidération absolue. Ces troubles comportementaux sont les symptômes d’une souffrance psychique souvent impossible à formuler et porteuse de tous les dangers.

L’abord complexe de personnes désorganisées :

L’abord des personnes directement touchées par la catastrophe peut s’avérer complexe pour des intervenants non familiarisés à ce type de situations.
En ces circonstances, quels que soient les acteurs, professionnels soignants ou non, une intervention immédiate, justifiée par la dangerosité individuelle et collective de comportements inadéquats se doit d’être rapide, simple et efficace.

La qualité d’une présence humaine attentive mais ferme et directive, une capacité à formuler, sans discussion inappropriée, les raisons, les objectifs et modalités de l’aide proposée, reste le meilleur moyen d’adhésion à des soins.

Des expressions cliniques caractéristiques ?

En phase aiguë, l’expression clinique des troubles présentés ne permet pas d’identifier précisément les processus psychopathologiques qui les génèrent ni donc d’émettre un avis pronostique fiable quant à leur devenir. C’est essentiellement l’absence de réponse positive à une présence apaisante et ré organisatrice, à des mesures de « defusing »⁴ efficaces, qui justifie, sur le terrain, l’action de spécialistes. La persistance d’un état dissociatif, témoin de l’impact subi et parfois associé à l’existence d’une pathologie mentale sousjacente, impose naturellement une action thérapeutique spécialisée.

L’utilité d’un dispositif spécifique, les CUMP⁵ :

La mise en place de postes d’urgence médicopsychologique doit permettre d’organiser cette prise en charge. Déployés au plus proche du lieu de la catastrophe, ils sont armés par des professionnels en santé mentale. Une première approche diagnostique peut ainsi permettre une orientation thérapeutique propre à chaque individu.

Diverses techniques spécifiques, précoces ou différées, individuelles ou collectives, comme par exemple de « débriefing » sont susceptibles d’être mises en oeuvre par des praticiens de santé formés, lorsqu’elles sont indiquées et que la situation l’autorise. Elles doivent permettre, en fonction d’une temporalité propre à chacun, une évaluation de l’impact traumatique de l’événement en même temps que de la qualité des ressources psychiques de l’individu. C’est cette évaluation qui permet d’engager une thérapeutique adaptée.

Contrairement aux blessés physiques, seul un nombre réduit d’entre eux relèvent d’une destination hospitalière.
Pour l’essentiel, c’est l’articulation avec un dispositif de soins extra-hospitalier adapté à la nature et à la temporalité propres aux troubles psychiques post-traumatiques qui permettra d’assurer, dans la durée, la continuité du suivi nécessaire.

Une attention spécifique à accorder aux blessés physiques :

Si la prise en charge préhospitalière des blessés physiques assure en soi un effet sécurisant, celui-ci ne peut se limiter à une approche médico-technique.

Impactés psychiquement, ces blessés physiques ont besoin d’une aide humaine qui passe par une relation de parole à la fois soutenante et informative. Mais au-delà, une évaluation des conséquences de l’impact subi, de ses effets psychiques et des besoins de soin médico-psychologique qu’il entraîne, est indispensable.

  • Contribuer à créer l’espace de sécurité dont les impliqués ont besoin pour retrouver un fonctionnement psychique efficient ;
  • Savoir repérer les personnes présentant une souffrance psychique et notamment des troubles comportementaux, afin d’assurer sans délai leur prise en charge ;
  • Savoir déclencher l’intervention de la CUMP, seule à même d’assurer une réelle évaluation et une prise en charge spécialisée des personnes dont l’état est préoccupant ;
  • Concernant les blessés physiques, et malgré leur prise en charge préhospitalière qui constitue en soi un cadre de sécurisation, celle-ci ne peut se résoudre à une approche médico-technique. Elle doit toujours être associée à un accompagnement humain attentif et soutenant ;
  • Tracer toutes les observations et gestes effectués auprès des victimes dans les fiches d’urgence comme dans les dossiers médicaux.
1. Décret n°2016-1327 du 6 octobre 2016 relatif à l’organisation de la réponse du système de santé (dispositif ORSAN) et au réseau national des cellules médico-psychologique pour la gestion des situations sanitaires exceptionnelles.
2. Lebigot F. Traiter les traumatismes psychiques (3° ed) Clinique et prise en charge. Paris: Dunod 2016
3. Saguin A., Paul F., N’Guyen X.T., Moroge S., Lahutte B., Martinez L., Colas M.-D., Boisseaux H.Les soins médico-psychologiques dans les suites immédiates d’un attentat terroriste.in Le Blessé par attentat terroriste, Paris, Arnette Ed. 2017. p 259-274
4. Damiani C, Lebigot F. Les mots du trauma: Vocabulaire de psychotraumatologie. Paris: éditions Duval, 2015
5. Instruction DGS/VSS 2/2017/7 du 6 janvier 2017 relatif à l’organisation de la prise en charge de l’urgence médico-psychologique. »